Joint au téléphone quelques minutes avant sa rencontre journalière avec
les instances du ministère de l'Éducation, le président de la Fédération
québécoise des directions d'école (FQDE) se dit inquiet. « Des dizaines d'enseignants manquent à l'appel et il n'y a personne dans
les services de garde...mais je demeure tout de même optimiste », tempère
Nicolas Prévost.
Les chiffres sont là pour appuyer ses dires : il manque cet automne,
presque 150 enseignants de plus qu'à pareille date l'an dernier. La rentrée 2020
affiche un déficit de 465 professeurs dans les écoles de la province.
La pénurie de personnel demeure également préoccupante dans les services
de garde où les besoins sont criants et urgents, alors qu'il semble y
avoir un déplacement important des éducatrices vers l'enseignement, provoquant
du coup un vide dans les services de garde. Au vu de l'urgence de la situation,
une demande de rencontre a été faite pour adresser ce problème avec le ministre
de l'Éducation dès cette semaine.
« On me dit
souvent qu'il n'y a carrément pas d'éducatrices dans plusieurs centres de
services. L'explication n'est pas simple et les causes sont diverses,
oui sûrement un peu par la peur de la Covid, mais le manque flagrant
d'enseignants et le fait que nos listes de rappel sont vides, forcent plusieurs
commissions scolaires à embaucher du personnel ne possédant pas
leur brevet d'enseignement, ce qui ouvre la porte aux éducatrices et
aux bacheliers, » mentionne M. Prévost. Il reconnait qu'il faudra donner
un coup de barre dans les prochaines années pour attirer les étudiants vers la
profession.
Donc dans
certaines écoles, il ne serait pas surprenant que des classes d'élèves soient surveillées par une adjointe
administrative, une éducatrice ou une secrétaire faute de personnel. De plus il
sera presque inévitable d'éviter le jeu de la chaise musicale entre le
personnel enseignant disponible, ce qui aura comme conséquence que les
élèves aient de fortes chances de voir
plusieurs enseignants différents durant leur année scolaire.
La situation
actuelle était prévisible selon la présidente de la Fédération des syndicats de
l'enseignement Josée Scalabrini, qui réclament des renforts depuis des
années auprès des instances du système d'éducation. « Ça fait des années qu'on
dit qu'il faut valoriser la profession et donner le goût aux jeunes de
pratiquer une des plus belles professions du monde à nos yeux. Il va falloir un moment
donner qu'on agisse dans ce sens et que l'on trouve des pistes de solutions
afin d'attirer les jeunes vers la profession. On était en pénurie l'année
dernière et cela fait au moins trois ans que nos listes d'enseignants
fondent à vue d'œil! Donc ce n'est certain que cet
automne, une fois qu'on aura attribué tous les postes, il ne restera pas
beaucoup de monde pour assumer les suppléances.
En prévision d'une
deuxième vague de propagation de la Covid-19, et par le fait même, une autre
période de confinement, le protocole d'urgence de la FQDE sera en place d'ici
le 15 septembre, afin d'être prêt à passer en mode éducation à distance.
S'ajoute à cela
un manque de places dans les autobus scolaires, ce qui cause bien des maux de
tête aux parents qui n'ont d'autre option que de transporter
eux-mêmes leurs enfants à l'école. « Tant et aussi longtemps que
la distanciation sociale devra être respectée et demeurera à 1,5 mètre, on ne pourra rien faire,
du moins pas pour l'instant. Le nombre d'enfants par banc a été amputé de sérieuse façon, donc moins d'enfants
par autobus. Les parents devront conjuguer avec cette situation que l'on espère
temporaire, » explique M. Prévost.
Malgré ces difficultés, le président de la FQDE demeure
confiant mais prudent pour cette rentrée hors normes. « Je crois que tout notre ‘'monde'' sera en
poste pour la rentrée. Cependant au cours des prochaines semaines il ne faut
pas que trop de nos enseignants tombent au combat car là, nos ressources sont
presque épuisées. Si cela arrive il faudra songer à d'autres pistes de solution
comme peut-être une campagne de volontariat ou encore accentuer les programmes
de bourse, » conclut Nicolas Prévost.