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Raif Badawi : un premier pas vers le soulèvement saoudien?


par Sarah Pomar Chiquette
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Mercredi le 25 juin 2014

« Il y a très peu de liberté d'expression et de droit démocratique en Arabie Saoudite. Une personne comme Raif Badawi, qui essaie de changer la situation avec son blogue et ses interventions, sera assurément visée par l'État Saoudien parce qu'il n'y a pas de liberté publique dans ce pays », a expliqué William Schabas, professeur en droit international à l'Université Middlesex à Londres, ainsi que spécialiste de la peine de mort, de la torture et des droits de la personne.

Raif Badawi, blogueur saoudien de 32 ans, est condamné à dix ans de prison, à mille coups de fouet et à une amende de près de 30 000 dollars canadiens. L'État saoudien accuse M. Badawi d'avoir offensé les préceptes islamiques dans le forum en ligne, « Saudi Arabian Liberals », qu'il a lui-même créé en 2008 pour encourager le débat politique et social en Arabie Saoudite. En attente d'un nouveau procès, il risque cette fois d'être rejugé pour apostasie (abandon volontaire d'une religion), un crime passible de la peine capitale. Sa femme, Ensaf Haider et ses trois enfants sont réfugiés politiques au Canada depuis novembre 2013 et résident à Sherbrooke. Raif Badawi a l'appui d'Amnistie internationale, Human Rights Watch et du député néodémocrate de Sherbrooke, Pierre-Luc Dusseault.

Ils sont plusieurs Saoudiens, comme M. Badawi, à être emprisonnés pour avoir milité pour le respect des droits de l'homme : « Depuis 2012, les autorités ont mené une campagne sans pitié contre les défenseurs des droits de l'homme et des dissidents pacifiques », a critiqué Adam Coogle, chercheur responsable de l'Arabie Saoudite pour l'organisation Human Rights Watch (HRW)

Estrie Plus a voulu en savoir davantage sur le pays de l'Arabie Saoudite qui accumule les critiques en matière de droits et libertés individuelles.

Condition des droits et libertés

« L'Arabie Saoudite a un très mauvais dossier en ce qui a trait à la protection des droits fondamentaux. Certaines violations sont bien connues : la discrimination à l'égard des femmes, des peines corporelles, des peines capitales qui sont utilisées très abusivement, des conditions de détention lamentables et des traitements discriminatoires et oppressifs à l'endroit des travailleurs migrants », a déploré M. Schabas. Sans compter que « les tribunaux ne garantissent pas des procès équitables, les femmes ne sont pas égales aux hommes devant la loi et il y a un système de tutelle masculine qui rend les femmes dépendantes de leur père », a ajouté Adam Coogle.

« L'Arabie Saoudite se distingue par le fait que c'est un pays extrêmement conservateur et arriéré », a lancé M. Schabas. Le professeur prévient toutefois que la situation en Arabie Saoudite ne doit pas être généralisée à l'ensemble des pays du Moyen-Orient : « Il y a certains pays qui sont relativement progressistes dans la région. Il y a plusieurs pays démocratiques, qui respectent les lois, qui n'appliquent plus la peine capitale et qui sont beaucoup plus respectueux des normes internationales. Certains pays du Maghreb sont nettement différents comme la Tunisie, le Maroc et l'Algérie. Puis, il y a de grands changements qui sont en cours dans les pays du printemps arabe, notamment en Égypte et en Libye. »

La soif de liberté

« Il y a des citoyens saoudiens qui revendiquent des réformes y compris le respect des droits humains, tel que la liberté d'expression et d'association. Mais on n'a pas vu, en Arabie Saoudite, la mobilisation dans les rues ou des mouvements d'oppositions », a indiqué M. Coogle. Les revendications sont plutôt informelles. Certains citoyens utilisent les médias sociaux pour écrire des lettres ouvertes qui appellent à des réformes. Il y a aussi quelques associations qui ne sont pas reconnues, mais qui agissent dans le même sens. Pour le professeur de l'Université de Middlesex, à Londres, ce n'est qu'une question de temps avant que les citoyens saoudiens ne revendiquent leurs droits : « tôt ou tard, il y aura un soulèvement populaire en Arabie Saoudite. M. Badawi est certainement l'avant-garde de ce mouvement. »

Incidence des médias sociaux

Les médias sociaux ont certainement contribué à la soif des Saoudiens de conquérir leurs droits et libertés. M. Schabas est d'avis que les cas, comme celui de M. Badawi, seront de plus en plus fréquents dans les prochaines années : « Ce sont des modifications technologiques et l'accès à cette technologie qui facilite l'expression politique et la liberté d'expression. Les États oppressifs, comme l'Arabie Saoudite, se sentent très menacés en ce moment par les médias sociaux. »

Même son de cloche pour le spécialiste de l'Arabie Saoudite à HRW : « cette nouvelle plateforme permet aux Saoudiens de se rencontrer. Si les femmes sont par exemple cloîtrées, elles peuvent se rencontrer sur des sites sociaux et ça leur donne une autre option pour s'organiser et se partager des idées entre elles. Bien que l'espace public ne soit pas ouvert, les Saoudiens ont cette possibilité virtuelle grâce aux médias sociaux. »

(In)efficacité des lois internationales?

L'application du droit international exige la mise en œuvre de normes par les gouvernements eux-mêmes. Ce sont les États qui doivent d'une part accepter les obligations internationales et d'autre part, assurer leurs applications. L'Arabie Saoudite est l'un des pays les plus réfractaires quant aux obligations internationales. Le professeur en droit international, William Schabas, rappelle que : « l'Arabie Saoudite s'est abstenue lorsque la Déclaration universelle des droits de l'homme a été adoptée en 1948 ». M. Schabas qualifie le royaume d'Arabie Saoudite comme un État d'exception : « les autorités n'ont jamais accepté avec enthousiasme les obligations qui sont pourtant largement acceptées par d'autres États. C'est un État à part, un État d'exception », a-t-il assuré.

Les lois internationales seraient-elles ainsi particulièrement inefficaces en sol saoudien? Le professeur soutient que le pays a toujours été « protégé » en raison de sa grande richesse pétrolière. Les États consommateurs de pétrole, notamment les États-Unis, ont traité avec beaucoup de « prudence, de respect et de différence » l'Arabie Saoudite et ont « maintenu au pouvoir un régime monarchique, garant des ressources pétrolières. »

William Schabas confirme néanmoins que les organisations internationales ont un pouvoir de plus en plus important auprès des États : « Pendant longtemps, les organisations internationales n'avaient aucune influence. Si un État voulait instaurer un apartheid, personne ne pouvait intervenir. Maintenant, ça change, nous sommes dans une période de transition sur le plan de l'histoire du monde. On voit que l'État est de plus en plus redevable devant la communauté internationale, les instances internationales et devant les tribunaux internationaux », a-t-il soutenu. Il est cependant conscient qu'il est toujours difficile de contrôler et de mettre fin aux abus commis par des États souverains.

Le professeur est optimiste quant à l'avenir du pays. Il prévoit que le changement s'opérera comme lors du printemps arabe : « l'avenir est clair à mon avis, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il y ait soulèvement. Ça exige évidemment certaines personnes courageuses, comme M. Raif Badawi. Éventuellement ils obtiendront gain de cause. » William Schabas n'écarte pas le pouvoir de la communauté internationale. Malgré l'intérêt pétrolier et économique, les pays doivent faire plus de pression pour que les droits et libertés individuelles soient respectés.

Le pouvoir médiatique

« Les autorités saoudiennes n'apprécient pas les campagnes médiatiques sur les questions des droits de l'homme. Nous avons vu comment, dans certains cas, les critiques médiatiques ont incité les autorités à reculer en matière des droits et libertés. Il y a un coût à la répression qui est d'autant plus cher lorsque les médias et les associations internationales suivent une affaire », a affirmé M. Coogle.

Pour M. Schabas, le lien qu'a Raif Badawi avec le Québec l'aidera certainement dans sa cause : « Je suis sûr que ça entraine beaucoup de passion dans la communauté. Il faut savoir toutefois qu'il n'est pas le seul prisonnier de conscience dans le monde. Je ne veux pas décourager les personnes qui veulent agir en sa défense. Il faut que les gens essayent le plus possible d'embarrasser l'État de l'Arabie Saoudite. Mais c'est un État qui a une carapace et qui n'a pas beaucoup de respect pour l'opinion publique surtout à l'extérieur du monde islamique. »

M. Adam Coogle a pour sa part réaffirmé l'appui de Human Rights Watch à l'endroit de Raif Badawi : « Nous ne cessons pas d'exiger sa libération parce que les inculpations à son encontre sont basées uniquement sur son expression pacifique. Il n'a jamais appelé à la violence. Étant donné qu'il a toujours eu un discours pacifique, il a le droit de s'exprimer. Nous allons continuer à encourager les autorités à mettre fin à leurs campagnes contre les réformistes et les dissidents à travers nos déclarations publiques et notre plaidoyer public et privé. Notre but est de faire en sorte que cette question reste à l'agenda international », a-t-il conclu.

Position du CCSNE

Rappelons qu'en début de semaine, le Conseil central des syndicats nationaux de l'Estrie (CCSNE) a annoncé qu'il appuie Raif Badawi. « Nous considérons que c'est inacceptable de voir des choses de la sorte se produire en 2014. Ce sont des injustices incroyables. Le CCSNE a été interpellé par le dossier de M. Badawi. Il nous semblait essentiel de nous exprimer sur la situation », a témoigné M. Denis Beaudin, président du CCSNE. « Je la qualifie de remarquable parce qu'elle continue à se battre malgré les difficultés » a lancé M. Denis Beaudin, qui est en contact avec Ensaf Haidar, la femme de M. Badawi. « M. Badawi risque beaucoup. Il faut alors rester confiant. L'année dernière Amnistie Internationale a réussi à libérer deux prisonniers en Arabie Saoudite. On se doit de tout faire pour que M. Badawi soit libéré », a-t-il poursuivi.

Une pétition a été lancée par Amnistie internationale afin d'obtenir la libération de Raif Badawi. Il est possible de signer la pétition à l'adresse suivante : https://www.amnistie.ca/outils/petitions/index.php?PetitionID=69


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