Auteur, poète, conteur et enseignant, le Sherbrookois
Jean-François Létourneau lançait mardi son premier roman, Le Territoire
sauvage de l'âme. Incursion au cœur de cette nature nordique que
l'auteur ne veut jamais tout à fait cesser d'habiter.
Entre les murs de la toute locale Librairie Appalaches
située sur la rue Wellington, se tenait mardi le lancement virtuel du premier
roman du tout aussi local auteur, Jean-François Létourneau. Publié aux éditions
Boréal sous la collection « L'œil américain », le récit se décline sur
deux territoires, en deux époques. De Kuujjuaq aux abords de la Massawippi en
Estrie, c'est de sa propre expérience que s'est inspiré Jean-François
Létourneau pour peindre le paysage de son récit.
Une thématique récurrente et un mentor plus grand que
nature
Le « territoire » est un thème récurrent, une constante dans
les écrits de Jean-François Létourneau. D'abord en son essai Le territoire
dans les veines, la même thématique est explorée dans le livre audio Les
traces du territoire lancé avec les Marchands de mémoire, un collectif Estrien
donnant dans le conte, la poésie et la musique traditionnelle. Létourneau en
est le principal parolier.
Quand on lui demande d'où il puise son inspiration, il évoque
le « nature wrinting » que l'on peut traduire évidemment par « littérature de
la nature ». Grand consommateur de ce type d'ouvrages, entre autres de ceux de
l'auteur Rick Bass ayant signé Les grizzlis, Jean-François Létourneau
témoigne : « Ce type d'écrit combine mes deux passions : la nature et
la littérature. Le "nature wrinting" est donc inscrit dans mon
inconscient d'auteur. Ce sont des lectures qui me marquent et m'inspirent ».
Lorsque Louis Hamelin, auteur érudit et directeur de la
collection « L'œil américain », lui propose de joindre ses différents
manuscrits pour en faire un roman, c'est une grande aventure d'écriture qui se
met en branle pour Jean-François. « Pendant près de 8 mois, je me levais à
4 h du matin pour faire quelques heures d'écriture avant de partir
travailler. C'était une tâche colossale. Mais être accompagné dans ce projet-là
par un auteur de la trempe de Louis Hamelin, échanger avec lui, recevoir ses
conseils, connaître ses points de vue... c'était une chance à ne pas manquer! »,
raconte-t-il.
Il confie d'ailleurs que dans les 18 derniers mois,
Louis Hamelin, d'abord idole et accompagnateur, est devenu non seulement un ami,
mais un formidable mentor.
L'expérience d'une vie qui devient fiction
Jean-François Létourneau a passé quatre ans à enseigner dans
une école de Kuujjuaq. C'est de cette expérience que s'est dessinée la trame du
roman. Guillaume, le personnage principal, débarque aux abords de Koksoak, le
fleuve qui traverse Kuujjuaq. Plein de naïveté, de curiosité et de respect pour
la culture inuit, il s'apercevra rapidement qu'au sein de ce peuple blessé,
n'est pas admis qui veut.
« Quand tu es un Québécois qui arrive dans le nord, même
avec les meilleures intentions du monde, tu es perçu comme le maudit Blanc
envoyé par le ministère de l'Éducation », explique l'auteur en connaissance de
cause. Guillaume apprendra à s'intégrer avec humilité et patience, à travers
l'amour pour les jeunes à qui il enseigne et de nombreux matchs de hockey
disputés au clair de lune avec les Kuujjuamiut.
Jean-François Létourneau admet que son roman est une
critique de la société québécoise et de sa méconnaissance du Nord et de sa
culture. Mais, comme il le précise, le tout se fait sans sentiment de
culpabilité.
« On ne peut pas connaître ce qu'on ne nous a jamais enseigné »,
souligne-t-il.
Dans un deuxième volet du roman, des années plus tard,
Guillaume est de retour dans les Cantons-de-l'Est. Établi avec sa petite
famille à l'orée de la rivière Massawippi, il souhaite élever ses enfants dans
un milieu naturel. Mais rapidement, il réalise le grand paradoxe qu'il
entretient. Amoureux de la nature, il souhaite y vivre et la préserver, mais il
contribue tout de même à la saccager. Nous sommes tous à la fois prisonniers et
responsables de l'étalement urbain. L'auteur précise : « Bien que je
souhaite trouver des solutions à l'étalement urbain, mon roman n'en propose
pas. On est dans la fiction. Pour moi, la littérature est un espace de liberté
et ça me plait d'aller au cœur des paradoxes, de les explorer profondément ».
La transmission pour préserver la mémoire
Jean-François Létourneau au même titre que Guillaume, son
alter ego, souhaite transmettre à ses enfants, entre autres, la connaissance
des Territoires du Nord. Cette transmission intergénérationnelle passe par la
connaissance du peuple, de la culture, de la langue. Le territoire parle, il
nous informe sur ce que sont devenus les gens qui l'ont habité et ce que
l'avenir réserve à ceux qui continueront de l'habiter.
L'auteur estrien demeurera à jamais marqué par ce territoire
qu'il a foulé, par ce peuple qu'il a côtoyé et cette culture qu'il a goûtée. À
la suite de son travail sur le territoire, il envisage de s'attarder à la
parole vivante, celle qui transmet toute autant d'histoires et les imprègne
dans l'essentielle mémoire collective.
Le territoire sauvage de l'âme, un premier roman de
Jean-François Létourneau à découvrir pour se souvenir.