Le dossier des Esséniens et leurs relations avec la Ville
de Cookshire-Eaton ont pris des proportions importantes dans tout le Québec.
Pourtant, le litige qui les oppose porte sur le paiement de taxes foncières et
de services évalué à 33 000 $ et sur le libre accès à leur propriété
pour l'inspection des lieux et des bâtiments par le personnel de la
municipalité, comme le mentionne Noël Landry, maire de Cookshire-Eaton. La
communauté religieuse contesterait cette imposition depuis les tous débuts.
Avant le 26 septembre, la Commission de protection du territoire agricole du
Québec (CPTAQ) avait décrété que la vocation de celle-ci était
récréotouristique, d'où le fait que ses propriétaires auraient dû en payer.
Guilhem Carzac, communicateur des Esséniens, prétend le contraire, appuyant ses
dires sur la reconnaissance de leur entité comme groupe ecclésiastique.
M.
Carzac affirmait, lors d'une entrevue réalisée dans les locaux du Journal Le
Haut-Saint-François, que depuis le 26 septembre 2014, la décision rendue par
l'évaluateur-signataire, le Groupe Altus, responsable de l'évaluation pour la
MRC, reconnaîtrait que « la destination et le lieu sont à vocation
religieuse, conforme à la loi, donc exemptés de taxe. » Selon
M. Landry, le «fond de terre» serait, lui, imposable. De son côté,
M. Carzac prétend que la MRC et la municipalité en auraient été informées
vers le 26 septembre, ce que Dominic Prévost, dg de la MRC, et le maire n'ont
pas voulu ni infirmer ni confirmer. À la fin octobre, une rencontre est prévue
entre les deux adversaires.
Les
Esséniens se définissent non pas comme une secte, mais comme «une fondation
(Fondation Essenia) de bienfaisance et de charité qui a pour objet de fournir
un espace pour être en contact avec la nature et faire comprendre que la terre
est initiatrice de tout et que la sauvegarde de la nature est une priorité
[dont] le principe est de tendre vers l'harmonie intérieure.» Cet énoncé se
trouve dans un des dossiers de la CPTAQ. Ils se considèrent comme une «petite
organisation mondiale» dont le «siège mondial et le diocèse du Québec» sont
situés dans Cookshire-Eaton. Le porte-parole explique que des membres de la
communauté sont prêtres et qu'ils peuvent se marier. Du fait de la prêtrise,
nul ne serait autorisé à pénétrer dans la demeure qu'ils occupent, sans en être
propriétaire, tenait-il à préciser. En raison d'un privilège dû à leur
fonction, ce logement leur est alloué gratuitement. Il reste, malgré la
noblesse des préceptes des Esséniens, que la tension s'intensifierait entre les
antagonistes.
La
Ville avance qu'il ne serait que justice que la communauté essénienne fasse sa
part en payant les taxes pour les services accordés. M. Carzac informe que
le seul qu'ils reçoivent, c'est le déneigement de la route « parce qu'il y
a d'autres résidents. » En ce qui concerne la cueillette des déchets, elle
l'aurait confié à une entreprise privée. « Et en cas d'incendie,
seriez-vous obligé de payer le service rendu ? », lui est-il
demandé. Le porte-parole convient qu'il va vérifier ce qui se passe dans ce cas
avec les autres communautés religieuses reconnues.
M. Landry indique
que le 4 octobre dernier, un ou des membres du groupe auraient refusé à
l'inspectrice municipale, Nicole Jolicoeur, l'accès aux terrains et bâtiments.
« Tu n'es pas bienvenue ici, tu n'as pas besoin de débarquer », lui
aurait-on dit en formulant différentes menaces à peine voilées, confie le
maire. La loi des municipalités sur le sujet est claire, rappelle-t-il, nul ne
peut empêcher un officier d'entrer sur une propriété dans le cadre de son
travail. À ce propos, M. Carzac rétorque que comme communauté religieuse,
ils n'auraient pas à être évalués et qu'en ce qui concerne les normes de construction,
« ils se conforment au code de la Régie du bâtiment du Québec
(RBQ). »
Selon le maire, le 14
octobre, escortés par 4 agents de la Sûreté du Québec, Mme Jolicoeur, Éric
Cloutier, directeur du Service des incendies et Sylvain Dusseault,
préventionniste, ont pu inspecter partiellement puisqu'au départ des policiers,
vers les 11 h, on les aurait empêchés de compléter leur travail et les
aurait reconduits à l'entrée. L'accès à la maison principale, poursuit M. Landry, leur a été
refusé de même qu'à un autre appartenant à un ancien militaire qui
pourrait être agressif, a-t-il ajouté. M. Carzac dément vivement cette
assertion de M. Landry.
L'Essénien confirme que les trois personnes
déléguées par la municipalité ont pu procéder à l'inspection. Selon ses dires,
les constats, faits du dehors, leur auraient suffi. M. Landry avance que
les inspecteurs n'auraient pas eu accès au lieu de culte. Lors de l'entrevue,
le porte-parole a affirmé qu'ils auraient constaté que sa baie vitrée
correspondait aux normes. Il en aurait été de même d'une modification apportée
à une autre fenêtre qui aurait été acceptée même vu de l'extérieur. Enfin, la
visite de la résidence d'un des prêtres leur aurait été refusée parce qu'il
était absent. Ils seraient sortis sans problème, selon M. Carzac qui
déplore le fait que les inspecteurs s'en tiennent stricto sensu à la loi.
Cependant, a-t-il poursuivi, peu après, ces
trois personnes seraient revenues sur les lieux par entrée située sur le chemin
Gamache sans en demander la permission, ce qui les aurait fâchés. « On a
eu l'impression d'irrespect lors de cette entrée par effraction »,
confie-t-il. « Que la municipalité convoque les médias n'aide pas les
relations ; l'intimidation est à craindre, on passe
pour de la mafia quasiment, » a-t-il ajouté.
Le préventionniste
Dusseault contredit ce fait, de même que l'inspectrice municipale Jolicoeur.
Selon eux, Pier-Antoine Marier, dirigeant de la communauté essénienne, leur
aurait ouvert la barrière du chemin Gamache fermée à l'aide d'un gros cadenas
dans le but d'éviter l'attroupement sur le rang Brochu. L'équipe d'inspecteurs
serait revenue poursuivre son travail dans l'après-midi sans avoir été
autrement dérangée dans leur inspection, ont-ils mentionné indépendamment l'un
de l'autre.
Pour justifier leur refus de recevoir les
inspecteurs de la municipalité, M. Carzac invoque le fait qu'on
« pensait que les lois municipales ne s'appliquaient pas aux lois
religieuses, on pensait qu'ils n'avaient pas à autoriser les inspecteurs à
passer les évaluations ; après on s'est aperçu qu'on n'était pas
correct et on a accepté la visite des inspecteurs. » Il ajoute toutefois
que « leur sauter dessus n'est pas la bonne façon d'inciter la venue de
nouvelles entreprises. » Poursuivant son plaidoyer, il ajoute: « On ne gère pas
des millions, comparé à d'autres religions, on est pauvres. » Du même souffle,
il constate que c'est dommage que le maire ait cru ça. Pourtant, en 2007, ils
ont acheté le domaine pour 1,1 M$, propriété dont la valeur serait estimée
à quelque 2,9 M$. Sur sa lancée, il mentionne que les esséniens font
partie « d'un réseau d'églises ; si le maire demande de payer des taxes, il
nous demande d'aller contre la loi, la loi d'exemption de taxes pour les
communautés religieuses. »
Malgré
les points de vue et un regard diamétralement opposés sur les sujets,
M. Landry et M. Carzac, chacun de leur côté, souhaitent trouver un
terrain d'entente. Le maire Landry affirme ne pas avoir d'aversion pour les
Esséniens. « On vise l'équité entre les citoyens pour les valeurs foncières et
les services ; je ne veux pas brimer l'envol religieux »,
a-t-il conclu. De son côté, M. Carzac avance qu'ils ont « toujours eu
d'excellentes relations et j'espère que ça va continuer », conjure-t-il.