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  VOYAGES GASTRONOMIE / Découvrir le monde

Tourisme de mémoire : Auschwitz-Birkenau (Pologne)

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David Beaulieu Par David Beaulieu
Lundi le 22 février 2016

Le voyage que je vous propose aujourd'hui n'en est pas un d'amusement, mais plutôt un saut dans notre mémoire collective. Une mémoire douloureuse, mais essentielle à la survie de notre humanité, surtout en des temps de misère et de noirceur. Il y a quelques années, j'ai visité le plus grand camp d'extermination de tous les temps : Auschwitz-Birkenau. Situé dans le sud de la Pologne, près des frontières tchèque et slovaque, ce camp est en fait un complexe qui en compte 3 principaux, ainsi qu'une cinquantaine de camps satellites. 

Créé en 1940 sous les ordres d'Himmler, et libéré par l'armée russe en 1945, ce camp d'extermination aura fait, selon les estimations, entre 1,5 million et 4 millions de morts! Si l'on fait le calcul, c'est en moyenne plus de 2000 personnes par jour qui passèrent aux fours crématoires!

Lorsque je suis arrivé en Pologne, ce fut par le nord, en provenance de la Lituanie. J'ai visité quelques autres endroits, dont je traiterai dans une future chronique, avant de prendre un train pour Cracovie, la grande ville la plus près d'Oświęcim (Auschwitz, en Polonais). En chemin, je me suis fait quelques bons amis, qui m'ont accueilli chez eux, amené à leur université de Łódź, où j'ai pu assister à un cours et rencontrer plusieurs Polonais vraiment sympathiques. En réalité, même si je n'aime pas les généralisations, je peux vous assurer que j'ai rarement rencontré un peuple aussi amical et accueillant qu'en Pologne. Dans les rues de Varsovie et de Cracovie, les gens me sourient, me saluent, répondent gentiment à mes questions... Quel plaisir d'être parmi eux! Lorsque j'ai dit à mes nouveaux amis que j'allais visiter le camp d'extermination en question, il y eut un petit malaise et tout le monde devint un peu plus sérieux. Marian acquiesça de la tête en signe d'approbation et me dit ce qu'il a dû dire des centaines de fois : «  Il le faut! Il faut que tout le monde sache! » Puis, tous reprirent leur conversation et on m'offrit une Zywiec froide.

Le matin du grand jour, j'ai pris un bus public qui me mena de Cracovie à Oświęcim, puis j'ai marché jusqu'à l'entrée du musée commémoratif. En entrant dans le camp principal, nous passons sous une arche affichant un message assez sarcastique : « Arbeit macht frei » (le travail rend libre). Cela donne aussitôt le ton à ma journée au cœur même de l'aberration, car dans ces camps, la seule liberté que le travail peut apporter est la mort... J'y ai passé la journée entière, quelques heures au camp principal et quelques heures à celui de Birkenau... Je suis rentré à Cracovie vers 18:00, où j'ai déambulé dans les rues pittoresques, perdu dans mes pensées.

Dans les camps, il y a des panneaux qui expliquent chaque aspect de la vie ici, au début des années 40. Il y en a aussi d'autres qui indiquent l'interdiction de rire. C'est très compréhensible, car plusieurs visiteurs sont d'anciennes victimes de l'holocauste ou des proches de ceux-ci, qui viennent faire leur devoir de mémoire. J'ai rencontré un groupe d'Israéliens qui m'a dit que leur gouvernement leur avait payé le voyage pour que personne n'oublie ce génocide ou tente de l'effacer de l'histoire. On pourrait croire qu'il est impossible de renier ce pan historique tellement il subsiste de traces, mais l'année suivante, j'ai eu la preuve du contraire au Caire, lors d'une discussion animée avec des étudiants, autour d'une tasse de thé. Le groupe était divisé; certains dénonçaient une machination juive de victimisation visant à justifier toutes leurs actions militaires au nom d'une reconstruction de leur peuple meurtri. Il a fallu que je monte d'un cran mon argumentation, en leur parlant avec ardeur de mon passage à Auschwitz en détail, pour que certains daignent douter de leur hypothèse de départ.

En me promenant dans les allées entre les blocs, je pouvais ressentir une certaine lourdeur, malgré le ciel bleu et le beau soleil de mai. Je suis entré dans presque tous les blocs ouverts pour constater que certains contenaient d'étranges collections : des montagnes de chaussures, de lunettes, de prothèses, de valises et d'instruments d'hygiène personnelle. Ces objets étaient retirés aux condamnés dès leur arrivée, et entreposés. Lorsqu'ils étaient exterminés dans les chambres à gaz, où était utilisé le Zyklon-B qui cause la mort en une vingtaine de minutes, les nazis leur retiraient alors les dents en or, les bijoux et même les cheveux! Ceux-ci étaient envoyés en Allemagne, vendus à la compagnie Alex Zink, pour la confection de couvertures et d'autres textiles... Imaginez! Ensuite, il fallait brûler les corps dans des fours crématoires conçus à cet effet ou, lorsqu'il y en avait trop, à l'air libre. On peut affirmer sans se tromper, que les gens des alentours respiraient véritablement l'odeur de la mort.

Au milieu de la journée, je me suis rendu au camp de Birkenau dans le village voisin. D'une dimension colossale, ce camp projette encore plus l'image d'une industrie de l'extermination humaine. On y était envoyé pour travailler comme esclaves pour le compte d'industries chimiques voisines et pour y mourir. Ce qui m'a le plus frappé, c'est que la voie ferrée s'engouffre au cœur du camp, puis s'arrête... c'est la fin des rails : le terminus pour des millions de victimes! Les conditions de vie étaient terribles : entassés les uns sur les autres, privés de nourriture, obligés de travailler sans arrêt, les gens tombaient comme des mouches sans qu'un seul denier ne soit dépensé pour mettre fin à leurs jours. En janvier 1945, dans leur fuite face à l'armée russe, qui avançait plus rapidement que les nazis l'avaient prévu, ces derniers tentèrent d'éliminer toutes traces d'extermination systématique. C'est ainsi qu'à leur arrivée, les Russes retrouvèrent plusieurs bâtiments rasés, dont les chambres à gaz. L'Armée Rouge libéra également 7000 détenus, abandonnés à leur sort, car jugés trop faibles pour être déplacés ailleurs avec les autres prisonniers. Immédiatement, les autorités soviétiques cernèrent la zone et protégèrent la scène de crime, afin que toutes les traces soient apportées comme preuves de cette ignominie à la face du monde.

Auschwitz fut établi en Pologne dans le but premier de dissuader les Polonais de constituer une résistance populaire.

Cela va donc de soi que le camp soit d'abord rempli des gens de ce peuple, pour qui Hitler avait une profonde aversion. Puis, vinrent les Juifs, en grande majorité, mais aussi les Roms (Tziganes), les prisonniers soviétiques et plusieurs autres. C'est maintenant un lieu de « pèlerinage culturel » et une source évocatrice du deuil universel dans lequel nous nous plongeons en pensant à ces moments sombres de notre histoire contemporaine.

Le but d'une visite à Auschwitz est de devenir un témoin vivant de ce que l'Homme peut faire lorsque les « gens de bien » restent indifférents. De devenir la voix de l'harmonie quand toutes scandent la guerre. D'être le frein à un nationalisme ethnique inquisiteur et débridé... Voyager en ces lieux ne nous fait pas revenir à la maison plus bronzés ou plus reposés, mais plus formés et informés sur un aspect moins attrayant, mais ô combien essentiel à la conservation de notre côté humain, visible dans nos actes de tolérance, d'entraide et de fraternité.

Bon voyage!


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