Et les souris dansent...
Je ne vous parlerai pas du chat qui est parti pour justifier
le titre de ma chronique d'aujourd'hui. Je veux plutôt vous parler de commerce
électronique. Une étude récente du CEFRIO, Centre facilitant la recherche et l'innovation dans les organisations, à
l'aide des technologies de l'information et de la communication (TIC), sonne l'alarme,
car les trois quarts des dépenses faites en ligne échappent aux entreprises du
Québec et se font au profit d'entreprises américaines déjà solidement
implantés. Le commerce en ligne est bel et bien une réalité et il est de plus
en plus une source de préoccupation pour nos commerces locaux et québécois.
Des chiffres
éloquents...
Les Canadiens
sont très actifs dans la révolution digitale. Statistiques Canada nous apprend
que 83 % d'entre nous utilisent régulièrement la toile pour s'informer, se
divertir ou encore pour acheter des biens et des services. Les gens
contrairement à la croyance populaire ne font pas qu'aller sur un site Internet
voir la météo ou pour socialiser sur Facebook.
En 2012, les Canadiens
ont dépensé, selon Statistiques Canada, 18,9 milliards de dollars par Internet.
Une hausse de 24 % par rapport à 2010. Cela donne une moyenne de 1 450 $
en monnaie canadienne pour chaque citoyenne ou citoyen de ce pays.
Les temps
changent :
Autrefois, il n'y a pas si longtemps, le succès d'un
commerce tenait pour beaucoup à son emplacement stratégique dans le village ou
encore dans la bonne filière commerciale. On ne compte plus les centres-ville
au Québec qui ont été dévastés comme au temps de guerre par la création et la
construction des centres commerciaux en périphérie. Conjugué à l'étalement
urbain c'est ce dernier phénomène qui a le plus fait mal aux centres-ville de
la plupart des grandes villes du Québec. Aujourd'hui, le phénomène est tout
autre et l'enjeu fort différent. On ne parle plus de déplacements d'activités
commerciales du centre vers la périphérie, mais d'une véritable révolution
commerciale caractérisée par une présence étrangère forte et par l'absence
significative d'intérêts québécois dans ce nouveau jeu de la concurrence
commerciale du 21e siècle.
Les
consommateurs sont encore accessibles :
Comme le dit le
proverbe chinois dans chaque crise, il y a une opportunité. Comme les mauvaises
nouvelles ne sont jamais seules, on peut trouver des notes encourageantes dans
la plus vaste étude jamais réalisée sur les habitudes de consommation
électronique des Québécois par le CEFRIO. On y note aussi que 50 % des Québécois
boudent le commerce électronique. Un québécois sur deux, ce qui est quand même
énorme, n'a jamais fait d'achats en ligne. Celles et ceux qui ont fait des
achats par Internet se sont dits insatisfaits dans une proportion de 36 %
du produit qui ne répondait pas à la description ou encore qui était défectueux
alors que 31 % des acheteurs se sont dits insatisfaits des délais de
livraison qu'ils ont jugé trop longs. D'autres se sont dits peu satisfaits de
la convivialité du site (8 %), du rapport qualité-prix (7 %) et du
mauvais service après-vente (6 %). Un monde d'opportunités s'offre aux
entreprises commerciales, mais l'erreur qu'il ne faut pas commettre c'est
d'opposer le commerce de rue au commerce électronique. Le commerce en ligne est
une tendance lourde et tôt ou tard il faudra que les commerçants québécois
relèvent le défi s'ils ne veulent pas être mis de côté et s'ils désirent
demeurer dans la course. Si l'on veut sa part de marché des achats des Québécois
en matière de voyages, de produits électroniques, de musique, de films et jeux
vidéo, de livres ou de spectacles, il faut assurer sa présence sur le web.
Des obstacles à
surmonter :
Les entreprises du Québec tardent toujours à assurer une
présence web de qualité sur la toile et les chiffres dévoilés par CEFRIO
tendent à démontrer que les effets de ces choix stratégiques commencent à peser
lourd sur l'avenir du secteur commercial au Québec. Une entreprise québécoise
sur deux n'a pas de site Web et seulement une sur huit offre la possibilité à
ses clients d'effectuer des transactions en ligne. Dans ces circonstances, il
n'est guère étonnant que les chefs de file du commerce électronique soient des
entreprises américaines comme Ebay, Expédia, Amazon. On note que des
entreprises d'ici parviennent à faire leurs marques en matière de commerce
électronique comme Air Canada, Voyages à rabais, Voyages Bergeron ou Air
Transat. Il faut faire plus et mieux si l'on veut assurer l'avenir. Parmi les
raisons que l'on peut évoquer pour expliquer la faible présence du Québec sur
la toile commerciale du monde sont principalement la taxation des achats en
ligne, le coût des frais de livraison et l'absence de stratégie web dans les
plus petites entreprises du Québec. La situation est inquiétante. Elle
s'explique peut-être par le vieillissement de l'entrepreneur moyen ou encore
pire par le désintéressement des entrepreneurs pour le commerce électronique.
Chose certaine, il faut bouger en matière de commerce électronique avant qu'il
ne soit trop tard. Non seulement les entreprises québécoises y perdront beaucoup,
mais en attendant le fisc de nos deux ordres de gouvernement enregistre des
pertes fiscales importantes évaluées à plus de 700 millions de dollars par
année.
Une lueur
d'espoir :
Peut-il y avoir
une lueur d'espoir pour le commerce québécois en ligne? La réponse est sans
conteste oui. Il faut d'abord se donner une politique québécoise de commerce en
ligne et soutenir nos entrepreneurs tant dans le domaine commercial que dans le
secteur des technologies de l'information. Le monde des nouveaux médias offre
de grandes possibilités à notre intelligence collective. Chose rassurante, ici
en Estrie, nous avons de solides assises en matière de TICS et des exemples de
réussite probants. Je pense au succès de Mesbobettes.ca
de mes amis Philipe Vachon et David Côté-Hamel ou encore à cette nouvelle
agence de jeunes Osez.co qui faisait
la une de ce journal le 6 décembre dernier. Nous avons des ressources, du
talent et de la vision pour faire face à ces nouveaux défis. En cette période d'achats
de Noël, ayons une pensée pour l'achat local et pour ces hommes et ces femmes
qui gagnent leurs vies à nous offrir d'excellents produits. Avant de faire
danser notre souris sur un site d'une compagnie étrangère, pensons à acheter
nos biens et nos services aux gens d'ici. Il faut néanmoins que nous nous
mettions sérieusement à la tâche et que nous dotions nos commerces d'une solide
stratégie web. Il ne faut jamais oublier que lorsque le chat est parti, les
souris dansent...
Tweet de la
semaine : « C'est en écrivant
que l'on devient écrevisse » dans Bernard Pivot, Les tweets sont des chats, Paris, Albin Michel, 2013, p.49.
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